- LE HÉRON
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Un jour sur ces longs pieds, allait, je ne sais où
Un héron au long bec emmanché d’un long cou.
Il côtoyait une rivière.
L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours
Ma commère la carpe y faisait mille tours,
Avec le brochet son compère.
Le héron en eut fait aisément son profit :
Tous approchaient du bord ; l’oiseau n’avait qu’à prendre.
Mais il crut mieux faire d’attendre
Qu’il eut un peu plus d’appétit :
Il vivait de régime et mangeait à ses heures.
Après quelques moments, l’appétit vint : l’oiseau
S’approchant du bord vit sur l’eau
Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
Le mets ne lui plut pas ; il s’attendait à mieux,
Et montrait un goût dédaigneux,
Comme le rat du bon Horace.
Moi des tanches ! dit-il ; moi héron que je fasse
Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?
La tanche rebutée, il trouva du goujon.
Du goujon ! c’est bien là le dîner d’un héron !
J’ouvrirais pour si peu le bec. Aux dieux ne plaise !
Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
Qu’il ne vit plus aucun poisson.
La faim le prit : il fut tout heureux et tout aise
De rencontrer un limaçon.
Ne soyons pas si difficiles :
Les plus accommodants se sont les plus habiles
On hasarde de perdre en voulant tout gagner
Gardez-vous de rien dédaigner,
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
- - Jean de La Fontaine (1621-1695) -
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